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d’embarras. Il convient de leur rappeler que, si l’État s’impose une dépense annuelle de près de quarante talents[1] pour avoir une cavalerie en cas de guerre, ce n’est pas afin d’en manquer, mais pour la trouver toute prête au besoin. Cette pensée stimulera sans doute le zèle des cavaliers pour l’équitation ; ils ne voudront pas, s’il survient une guerre, être pris au dépourvu quand il s’agit de combattre pour le pays, pour l’honneur et pour la vie. Il n’est pas mauvais non plus de les prévenir que tu les feras quelquefois sortir en avant, et que tu marcheras à leur tête sur toutes sortes de terrains. Pour les exercices de petite guerre, c’est encore une bonne chose de les emmener manœuvrer tantôt sur un terrain et tantôt sur un autre : rien n’est meilleur pour les cavaliers et pour les chevaux.

Le jet du javelot sera, selon moi, pratiqué par un bien plus grand nombre, si tu préviens les phylarques qu’ils auront à commander les acontistes[2] de chaque escadron[3] dans les exercices du javelot. Ils auront à cœur, je présume, de présenter chacun à l’État le plus d’acontistes possible. Et de même les phylarques veilleront de leur mieux au bon équipement de la cavalerie, s’ils sont convaincus que la tenue brillante de leur escadron leur fait beaucoup plus d’honneur aux yeux de la république que leur propre parure. Or, il est à croire qu’on n’aura pas de peine à le faire comprendre à ceux qui ont désiré être à la tête de leur escadron par un sentiment de gloire et d’honneur. Ils pourront d’ailleurs, la loi en main, sans se mettre eux-mêmes en frais, forcer leurs hommes à se faire équiper, suivant l’ordonnance, avec leur solde.

Du reste, pour rendre les soldats obéissants, il est essentiel de leur représenter par la parole quels avantages résultent de la soumission, et il est également essentiel de leur prouver, dans la pratique, combien d’avantages la règle assure partout à ceux qui l’observent, et combien de maux à ceux qui ne l’observent pas. Un motif très-puissant, à mon sens, pour que les phylarques aient à cœur de commander chacun un escadron bien équipé, c’est d’avoir des éclaireurs très-élégam-

  1. Environ 220 000 francs.
  2. Gens de trait.
  3. Nous ne trouvons pas, pour traduire le terme grec, de meilleur mot dans notre langue que cette expression moins moderne qu’on ne le croit. Claude Fauchet s’en sert sous la forme scadron : « Mot italien, dit-il, qui signifie grand carré, nouvellement usurpé comme assez d’autres par nos guerriers. » Des Antiquités françoises, liv, V, chap. iv.