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CHAPITRE IX.


Des chevaux vicieux.


Dans ce qui a été dit jusqu’ici, nous avons indiqué le moyen de déjouer la fraude dans l’acquisition d’un poulain et d’un cheval, et la manière de s’en servir sans le gâter, surtout si le cavalier veut le montrer comme ayant toutes les qualités requises pour un cheval de guerre. Le moment paraît être venu d’enseigner à tirer, au besoin, le meilleur parti possible d’un cheval trop vif ou trop paresseux.

Et d’abord il faut se faire cette idée, que la fougue, chez le cheval, est la même chose que la colère chez l’homme. L’homme ne se met pas en colère quand on ne l’offense ni en paroles ni en actions ; de même on n’irrite point un cheval fougueux en évitant de le chagriner. Il faut donc tout d’abord, en le montant, avoir soin de né pas lui causer de souffrance. Une fois à cheval, tenez-le en place plus longtemps que tout autre, et portez-le en avant par les moyens les plus doux[1].

Vous commencez par les allures les plus lentes, puis vous passez successivement au trot et au galop, sans que le cheval s’en aperçoive. Tout ordre transmis brusquement par le cavalier trouble un cheval ardent, comme tout ce qu’un homme voit, entend ou souffre contre son attente. Il faut savoir que tout ce qui est subit lui donne de l’inquiétude. Voulez-vous retenir un cheval ardent qui cherche à gagner, il ne faut pas, pour l’arrêter, tirer tout d’un coup, mais user moelleusement de la bride, le ralentissant avec douceur, et non de force[2]. Les exercices sur la ligne droite apaisent mieux les chevaux que les changements de direction répétés, et les allures modérées éteignent peu à peu l’ardeur du cheval, dont elles calment la fougue au lieu de l’animer. Croire que des courses vives et fréquentes, où l’on fait renoncer le cheval, servent à le calmer,

  1. M. de Lancosme-Brères loue cette recommandation comme sage et indispensable ; seulement il regrette que Xénophon n’ait pas indiqué explicitement quels sont les moyens à employer.
  2. Cette remarque est très-logique : ce n’est que par le raisonnement et les moyens doux qu’on parvient à calmer la trop grande ardeur du cheval. L. B.