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Sur ce point le jeune garçon se met à danser. Alors Socrate : « Voyez, dit-il, comme ce beau garçon paraît encore plus beau, quand il prend des attitudes, que quand il est en repos. — Tu as l’air, dit Charmide, de faire l’éloge d’un maître de danse. — Mais oui, répond Socrate ; et j’ai même remarqué qu’en dansant nulle partie de son corps n’est demeurée inactive : cou, jambes et mains, tout était en mouvement ; c’est ainsi que doit danser quiconque veut avoir le corps souple. Ma foi, Syracusain, ce serait volontiers que j’apprendrais de toi ces attitudes ! » Alors celui-ci : « À quoi donc cela vous servirait-il ? — Mais à danser, par Jupiter[1] ! » À ce mot, tout le monde se met à rire. Et Socrate d’un air sérieux : « Vous riez de moi, dit-il : est-ce parce que je veux, grâce à l’exercice, me porter mieux, manger et dormir plus agréablement ; ou bien est-ce parce que je désire m’exercer ainsi, de peur d’avoir, comme les coureurs du long stade, les jambes grasses et les épaules maigres, ou comme les lutteurs les jambes maigres et les épaules grasses, mais afin de donner à mon corps exercé tout entier de justes proportions ? Riez-vous de ce que je n’aurai pas besoin de chercher un compagnon d’exercice, ni de me mettre, moi vieillard, tout nu en présence de la foule, mais de ce qu’il me suffira d’un appartement à sept lits, comme cette salle vient de suffire à ce garçon pour le faire suer, de ce que je m’exercerai l’hiver à l’abri, et à l’ombre, quand il fera trop chaud ? Riez-vous enfin de ce qu’ayant un peu trop de ventre, je veux le rendre plus raisonnable ? Ne savez-vous donc pas qu’un de ces matins, Charmide que voici m’a trouvé dansant ? — Mais oui, par Jupiter ! dit Charmide, et d’abord je fus abasourdi, et je craignis que tu ne fusses devenu fou ; mais après avoir entendu des raisons pareilles à celles que tu viens de dire, en rentrant chez moi je me mis, non pas à danser, puisque je n’ai jamais appris, mais à faire de la pantomime, parce que je savais. — Par Jupiter ! dit Philippe, je le crois ; car tes jambes et tes épaules me paraissent être d’un poids tellement égal que, si tu donnais à peser aux agoranomes ton haut et ton bas, comme des pains à vendre, tu n’aurais pas d’amende à payer[2].

  1. Cf. Lucien, De la danse, 25, t. I, p. 486 de notre traduction ; Maxime de Tyr, Dissert., VII et XXXIX.
  2. Les agoranomes étaient des espèces d’édiles, chargés de la police des marchés.