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CHAPITRE XIII.


Suite des qualités d’un bon contre-maître.


« Quand tu auras, repris-je, parfaitement inculqué dans l’âme de quelqu’un la conviction qu’il faut être vigilant dans tout ce que tu lui confies, sera-t-il dès lors bon contre-maître, ou bien lui faudra-t-il encore apprendre comment on devient bon contre-maître ? — Par Jupiter, reprit Ischomachus, il lui reste encore à savoir ce qu’il doit faire, quand et comment ; autrement le régisseur, sans ces connaissances, serait-il plus utile qu’un médecin qui viendrait matin et soir visiter son malade, sans savoir ce qu’il convient d’ordonner ? — Mais quand il saura les travaux qu’il doit faire, lui manquera-t-il quelque chose, ou sera-t-il dès lors un contre-maître accompli ? — Il faut, en outre, qu’il sache commander aux travailleurs. — Est-ce encore toi qui montres à tes contre-maîtres l’art de commander ? — Je l’essaye, reprit Ischomachus. — Comment, au nom des dieux, t’y prends-tu pour rendre des hommes capables de commander ? — Bien simplement, Socrate ; aussi tu vas sans doute rire en m’écoutant. — Mais non, repris-je, ce n’est point là une chose risible, Ischomachus ; car celui qui peut rendre des hommes capables de commander, peut évidemment enseigner aussi l’art d’être maître, et celui qui peut enseigner l’art d’être maître, peut enseigner également l’art d’être roi. Il n’est donc point permis de rire d’un tel homme ; on lui doit plutôt de grands éloges. — Eh bien, Socrate, les autres animaux apprennent à obéir grâce à deux mobiles : le châtiment, quand ils essayent de désobéir, et, quand ils se prêtent au service, le bon traitement. Ainsi les poulains apprennent à obéir aux dresseurs, parce qu’on leur donne quelques douceurs quand ils obéissent ; puis, quand ils désobéissent, on leur donne fort à faire, jusqu’à ce qu’ils se prêtent à la volonté du dresseur. De même les petits chiens, qui sont si inférieurs à l’homme sous le rapport de l’intelligence et du langage, apprennent cependant par le même moyen à courir en rond, à faire des culbutes, et le reste. Dès qu’ils obéissent, ils ont tout ce qu’il leur faut ; quand ils se négligent, on les punit. Les hommes peuvent devenir plus obéissants au moyen