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térieur : tu auras à recevoir ce qu’on y apportera et à distribuer les provisions qui doivent être employées : à l’égard du superflu, tu devras veiller et prendre garde à ce qu’on ne fasse pas dans un mois la dépense affectée à l’année tout entière. Lorsqu’on t’aura apporté des laines, tu auras à faire filer des vêtements pour ceux qui en ont besoin : tu auras également à veiller à ce que les provisions sèches soient bonnes à manger. Il est toutefois, lui dis-je, une de tes fonctions qui peut-être t’agréera moins : c’est que, si quelqu’un de tes esclaves tombe malade, tu dois, par suite des soins dus à tous, veiller à sa guérison. — Par Jupiter ! dit ma femme, rien ne m’agréera davantage, puisque rétablis par mes soins ils me sauront gré et me montreront plus de dévouement encore que par le passé. » Cette réponse m’enchanta, reprit Ischomachus, et je lui dis : « N’est-ce point, femme, parce que la mère abeille fait preuve du même intérêt à l’égard des essaims, que les abeilles témoignent pour elle une certaine affection si tendre, que, quand elle abandonne la ruche, aucune ne croit pouvoir y rester, toutes la suivent ? » À cela ma femme répondit : « Je suis surprise que les fonctions de chef ne t’appartiennent pas plutôt qu’à moi. Car ma surveillance et ma distribution à l’intérieur paraîtraient, je crois, ridicules, si tu ne veillais à ce qu’on apportât quelque chose du dehors. — Et mes soins à moi, lui dis-je, ne sembleraient-ils pas ridicules, s’il n’y avait personne pour conserver ce que j’apporte ? Ne vois-tu pas ceux qu’on dit vouloir remplir un tonneau percé, quelle pitié ils inspirent, parce qu’on sait l’inutilité de leurs efforts ? — Oui, par Jupiter ! dit ma femme ; ils sont malheureux d’agir ainsi. — Mais toi, femme, lui dis-je, tu auras d’autres soins agréables à prendre, quand d’une esclave que tu auras reçue incapable de filer tu auras fait une bonne fileuse, qui doublera de prix pour toi ; quand d’une intendante ou d’une femme de charge incapable, tu auras fait une servante capable, dévouée, intelligente, d’un prix inestimable ; quand tu seras en droit de récompenser les gens sages et utiles à ta maison, et de punir les mauvais.

« Mais le charme le plus doux, ce sera lorsque, devenue plus parfaite que moi, tu m’auras rendu ton serviteur ; quand loin de craindre que l’âge en arrivant ne te fasse perdre de ta considération dans ton ménage, tu auras l’assurance qu’en vieillissant tu deviens pour moi une compagne meilleure encore, pour tes enfants une meilleure ménagère et pour ta mai-