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« Pour ce qui est de la tempérance, la divinité les en a rendus également susceptibles, et elle a permis que celui des deux qui porterait le plus loin cette vertu, soit l’homme, soit la femme, en reçût une plus belle récompense. Cependant, comme la nature d’aucun d’eux n’est parfaite en tout point, cela fait qu’ils ont besoin l’un de l’autre, et leur union est d’autant plus utile que ce qui manque à l’un l’autre peut le suppléer. Il faut donc, femme, qu’instruits des fonctions qui sont assignées à chacun de nous par la divinité, nous nous efforcions de nous acquitter le mieux possible de celles qui incombent à l’un comme à l’autre.

« La loi ratifie cette intention d’en haut en unissant l’homme et la femme. Si la divinité les associe en vue des enfants, la loi les associe en vue du ménage : c’est elle aussi qui déclare honnête tout ce qui résulte des facultés accordées par le ciel à l’un et à l’autre. Il est, en effet, plus honnête pour la femme de rester à l’intérieur que d’être toujours en courses, et il est plus honteux pour l’homme de rester à l’intérieur que de soigner les affaires du dehors. Si donc l’un agit contrairement aux desseins de la divinité, ce désordre n’échappe point aux regards des dieux, et l’on est puni d’avoir négligé ses propres devoirs ou accompli les actes de la femme.

« Il me semble, dis-je encore, que, soumise aux desseins de la divinité, la mère abeille remplit des fonctions semblables aux tiennes. — Et quelles sont donc, dit ma femme, ces occupations de la mère abeille qui ressemblent à ce que j’ai à faire ? — Elle a, lui dis-je, à rester dans la ruche, et à ne point permettre aux abeilles de demeurer oisives : mais celles qu’elle doit envoyer au dehors, elle les fait sortir pour l’ouvrage, voit et reçoit ce que chacune d’elles apporte, et conserve avec soin les provisions jusqu’au moment de s’en servir. Quand le temps d’en user est arrivé, elle fait à chacune une distribution équitable. Dans l’intérieur, elle préside à la confection des cellules, elle veille à ce que la construction en soit régulière et prompte ; elle prend soin de la nourriture des essaims qui viennent d’éclore. Les petites abeilles une fois élevées et capables de travailler, elle envoie en colonie avec un chef toute cette jeune postérité. — Et moi, dit ma femme, faudra-t-il donc que je fasse la même chose ? — Il faudra, lui dis-je, que tu restes à la maison, que tu fasses accompagner ceux de tes serviteurs chargés des travaux du dehors, et que tu surveilles toi-même le travail de ceux qui travaillent à l’in-