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dans sa cabane sur le haut d’une colline : c’est là le vœu de Marc Aurèle, et c’est là que le conduit, je ne dis pas seulement son stoïcisme, mais la logique même de sa vertu. De quel nom, cependant, faut-il appeler cet excès de constance qui se plaît à concentrer tout en elle, à fuir comme un obstacle, presque comme un crime, l’expansion de la tendresse, le commerce de la vie sociale, ces relations enfin que la Providence, en donnant à l’homme la volonté et la parole, lui impose, afin qu’il exerce sa raison et qu’il pratique ses devoirs ? Nous n’hésitons point à dire que c’est de l’égoïsme ; et, lorsque je compare Marc Aurèle à Socrate, je ne sais quelle douce sympathie m’attire vers le philosophe, dont la patience affectueuse ne se lasse point de ramener ses semblables, par le charme d’une ingénieuse conversation, aux principes communs et à l’utilité générale du bon sens et de la vertu. Telle est, en effet, la différence immense qui sépare l’auteur des Pensées et le héros des Mémoires : la vertu de Socrate, ainsi que l’ont fait observer d’éminents penseurs, résulte du développement parallèle et complet du principe matériel et du principe idéal qui fait l’essence même de l’homme ; la vertu de Marc Aurèle résulte de la prédominance du principe idéal sur le principe matériel. C’est dire assez que l’une est fondée sur la vraie connaissance de l’homme, et par conséquent utile à l’humanité, l’autre sur une pure abstraction, et par conséquent utile au seul individu.

Si nous nous demandons maintenant quels sont, en les embrassant d’un coup d’œil général, les enseignements spéciaux contenus dans les Mémoires sur Socrate, il est facile de voir que Xénophon y représente son maître s’efforçant d’apprendre aux hommes l’art de bien vivre. Or, quel est le but que l’homme doit tout d’abord se proposer dans la vie ? C’est la recherche constante et en toutes choses de ce qui est bon et de ce qui est beau. Rien de plus simple que cette théorie, rien de plus net et de plus précis que les applications qui en dérivent, et qui sont la matière même des entretiens où Socrate expose, avec toute la justesse de sa raison et toute la finesse de