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la maison, et d’exercice pour le corps, qu’elle met en état d’accomplir tous les devoirs d’un homme libre. Et d’abord, tout ce qui est essentiel à l’existence, la terre le procure à ceux qui la cultivent ; et les douceurs de la vie, elle les leur donne par surcroît. Ensuite, les parures des autels et des statues, celles des hommes eux-mêmes, avec leur cortége de parfums suaves et de délices pour la vue, c’est encore elle qui les fournit. Viennent encore mille aliments qu’elle produit ou qu’elle développe : car l’élève des troupeaux se lie étroitement à l’agriculture ; de telle sorte qu’elle nous donne de quoi sacrifier pour apaiser les dieux et subvenir à nos propres besoins.

« D’ailleurs, en nous offrant une variété si abondante, elle n’en fait point le prix de la paresse ; elle nous apprend à supporter les froids de l’hiver et les chaleurs de l’été. L’exercice qu’elle impose à ceux qui cultivent la terre de leurs mains leur donne de la vigueur ; et, quant à ceux qui surveillent les travaux, elle les trempe virilement en les éveillant de bon matin, et en leur faisant faire de longues marches.

« En effet, aux champs, de même qu’à la ville, c’est à heure fixe que se font les opérations les plus essentielles. Si l’on veut avoir un cheval bon pour le service de l’État, l’agriculture est ce qu’il y a de mieux fait pour nourrir ce cheval ; si l’on veut servir dans l’infanterie, elle vous fait le corps vigoureux. La terre ne favorise pas moins les plaisirs du chasseur, puisqu’elle offre une nourriture facile aux chiens et au gibier. D’autre part, si les chevaux et les chiens reçoivent des services de l’agriculture, ils les lui rendent à leur tour : le cheval, en portant l’inspecteur aux champs de grand matin et en lui donnant la faculté d’en revenir tard ; le chien, en empêchant les animaux sauvages de nuire aux productions et aux troupeaux, et en assurant la tranquillité de la solitude.

« La terre encourage aussi les cultivateurs à défendre leur pays les armes à la main, par ce fait même que ses productions sont offertes à qui veut, et la proie du plus fort. Est-il, en outre, un art qui, mieux qu’elle, rende apte à courir, à lancer, à sauter ; qui paye d’un plus grand retour ceux qui l’exercent ; qui offre plus de charmes à ceux qui s’y livrent ; qui tende plus généreusement les bras à qui vient lui demander ce qu’il lui faut ; qui fasse à ses hôtes un accueil plus généreux ? En hiver, où trouver mieux un bon feu contre le froid ou pour les étuves qu’à la campagne ? En été, où chercher une eau, une brise, un ombrage plus frais qu’aux champs ? Quel