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mais pour relever ensuite ses défaillances et fixer ses irrésolutions. Partant presque toujours des idées les plus vulgaires, il procède par questions successives, affirmant qu’il ne sait rien, suppliant celui qu’il interroge de lui apprendre ce qu’il ignore, et arrivant par cette méthode, qui a reçu le nom d’ironie socratique, non-seulement à faire penser ses élèves, mais à les conduire par la réflexion à l’intelligence et à la pratique du vrai, du juste et du bien.

Faire sortir le général du particulier, l’abstrait du concret, en empruntant ses comparaisons et ses images à la vie réelle, à l’ordre des faits et des idées le plus voisin des habitudes communes, tirer des suggestions de la conscience les idées qui y sont virtuellement contenues ; mais, avant tout, apprendre à l’homme à se connaître pour devenir meilleur ; subordonner les sciences, l’observation de la nature et de ses phénomènes, les arts eux-mêmes, au perfectionnement moral de l’humanité, voilà la doctrine appliquée de Socrate, telle que nous le montre Xénophon dans ses Mémoires. Noble et vénérable figure, dont l’originalité et la grandeur, exprimées par la main respectueuse de son disciple, nous frappent plus encore lorsque nous la rapprochons des philosophes qui se sont peints eux-mêmes dans leurs écrits.

Ainsi, pour n’en prendre qu’un exemple, le plus saisissant de tous, les Pensées de Marc Aurèle nous révèlent, comme les Mémoires de Xénophon, une âme belle, énergique, aussi complétement développée dans le bien que le comporte la doctrine austère de Zénon. Mais quel est le dernier terme auquel aspire l’empereur philosophe ? Un seul mot l’indique : se détacher. Vivre, par conséquent, en dehors des liens de la famille, de la société ; se placer le plus loin possible de ses semblables, afin que rien ne trouble la résignation calme et résolue qui convient au vrai sage ; se retrancher dans sa conscience comme dans le seul asile où n’arrivent ni les passions, ni les échos d’un monde corrompu ; en un mot, suivant ses propres paroles, passer le jour au milieu des hommes comme un berger