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d’autres études utiles. Il recommandait d’apprendre assez d’astrologie[1], pour reconnaître les divisions dela nuit, du mois et de l’année, en cas de voyage, de navigation ou de garde, et afin d’avoir des points de repère pour tout ce qui se fait la nuit, dans le mois ou dans l’année, grâce à la connaissance du temps affecté à ces divisions ; il ajoutait qu’il était facile d’apprendre ces points auprès des chasseurs de nuit, des pilotes, de tous les gens enfin qui ont intérêt à le savoir. Quant à l’astronomie et aux recherches qui concernent les globes placés en dehors de la rotation de notre ciel, à savoir les astres errants et sans règle, leur distance de la terre, leurs révolutions et les causes de leur formation, il en dissuadait fortement, disant qu’il n’y voyait aucune utilité[2]. Cependant il n’était point étranger à ces connaissances ; mais il répétait qu’elles étaient faites pour consumer la vie de l’homme et le détourner d’une foule d’études utiles. En général, il empêchait de se préoccuper outre mesure des corps célestes et des lois suivant lesquelles la divinité les dirige. Il pensait que ces secrets sont impénétrables aux hommes, et qu’on déplairait aux dieux en voulant sonder les mystères qu’il n’ont pas voulu nous révéler : il disait qu’on courait le risque de perdre la raison en s’enfonçant dans ces spéculations, comme l’avait perdue Anaxagore avec ses grands raisonnements[3] pour expliquer les mécanismes des dieux. Lorsque celui-ci, en effet, prétendait que le soleil est la même chose que le feu, il ignorait que les hommes regardent facilement le feu, tandis qu’ils ne peuvent regarder le soleil en face, et de plus, que les rayons du soleil noircissent la peau, effet que le

  1. Voy. plus haut page 117, note 1.
  2. C’est ce qui a fait dire à Cicéron que Socrate fit descendre la philosophie du ciel sur la terre, ou en d’autres termes qu’il l’a ramenée des spéculations, où elle s’exposait à divaguer, à l’étude de l’homme et de la morale. Cf. Cicéron, Académiq., I, iv, 15.
  3. Il y a dans le teste un jeu de mots délicat, mais intraduisible, produit par les expressions παρεφρόνησεν ὁ μέγιστον φρονήσας. — Anaxagore, né à Clazomène l’an 500 avant J. C, après avoir voyagé en Égypte, ouvrit, vers l’an 475, à Athènes, une école célèbre où il eut pour disciple Périclès, Euripide, Thucydide, et même Socrate, suivant quelques-uns. Accusé d’impiété, il fut condamné à mort ; mais la peine fut changée en exil, et il mourut à Lampsaque, l’an 428 avant J. C. Il s’éleva le premier à l’idée d’un dieu distinct du monde, cultiva l’astronomie avec succès et prédit les éclipses. Il enseignait que le soleil était une masse de fer ou de pierre embrasée, plus grande que le Péloponèse, et que la lune avait ses plaines, ses montagnes, ses vallées, comme la terre que nous habitons.