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ceux qui s’y montrent mal ? — À quels autres donner ce nom ? — Chacun d’eux cependant s’y conduit-il comme il croit devoir le faire ? — Le moyen qu’il en soit autrement ! — Est-ce que ceux qui ne peuvent pas s’y bien conduire savent comment il faut s’y comporter ? — Nullement. — Et ceux qui savent comment il faut s’y comporter le peuvent-ils ? — Oui, eux seuls. — Maintenant, ceux qui savent bien s’y prendre se montrent-ils mal dans les dangers ? — Je ne le pense pas. — Ceux qui s’y montrent mal ne savent donc pas s’y prendre ? — C’est vraisemblable. — Donc ceux qui savent bien se montrer dans les dangers imminents sont courageux, et ceux qui ne le savent pas sont des lâches ? — C’est mon opinion. »

La royauté et la tyrannie étaient, selon lui, deux autorités ; mais il croyait qu’il y a entre elles une différence : il appelait l’une un pouvoir accepté par les hommes et conforme aux lois de l’État, c’est à savoir la royauté ; et l’autre un pouvoir imposé et ne connaissant d’autres lois que les caprices du chef, c’est à savoir la tyrannie : une république gouvernée par des citoyens amis des lois, il l’appelait aristocratie ; celle où dominent les riches en vertu du cens, ploutocratie[1] ; et démocratie, celle où le peuple entier est souverain.

Si l’on venait le contredire sans apporter des preuves bien claires, si l’on avançait, sans le démontrer, que tel citoyen était plus sage, plus habile politique, plus courageux, ou possédait toute autre qualité que celui dont il parlait, il ramenait la conversation au sujet véritable, à peu près de la manière suivante : « Tu dis que l’homme dont tu fais l’éloge est meilleur citoyen que celui que je loue ? — Oui. — Pourquoi donc ne commencerions-nous pas par examiner quel est le propre d’un bon citoyen ? — Faisons-le. — Dans l’administration des richesses, la supériorité n’est-elle pas à celui qui enrichit sa patrie ? — Sans doute. — En temps de guerre, à celui qui la met au-dessus de ses adversaires ? — Cela est certain. — Dans une ambassade, n’est-ce pas à celui qui change ses ennemis en amis ? — Cela peut être. — Et dans l’assemblée du peuple, à celui qui apaise les séditions et fait naître la concorde ? — Je le crois aussi. »

C’est ainsi qu’en ramenant la question il rendait la vérité sensible même à ses contradicteurs. Quand il discourait sur un sujet, il procédait par les principes les plus généralement

  1. C’est-à-dire gouvernement de la richesse.