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moyen d’être sage autrement que par la science ! — Crois-tu que les sages puissent être sages par autre chose que par la sagesse ? — Je ne le crois pas. — La science est-elle donc la sagesse ? — Il me le semble. — Penses-tu qu’il soit possible à l’homme de tout savoir ? — Par Jupiter ! je crois bien plutôt qu’il ne peut savoir que bien peu de chose. — Un homme ne peut donc être sage en tout ? — Non, certes, par Jupiter ! — Et chacun dans ce qu’il sait est réellement sage ? — C’est mon avis.

— Faut-il, Euthydème, rechercher de même la nature du bien ? — Comment faire ? — Crois-tu que la même chose soit utile à tous ? — Non vraiment. — Eh bien ! ce qui est utile à l’un ne te semble-t-il pas parfois nuisible à l’autre ? — Sans doute. — Le bien est-il, selon toi, différent de l’utile ? — Nullement. — Une chose utile est donc un bien pour celui à qui elle est utile ? — Je le crois.

— Pour le beau, avons-nous autre chose à dire, sinon que, quand tu parles de la beauté d’un corps, d’un vase ou de quelque autre objet, tu entends que cet objet est beau pour toute espèce d’usage ? — Pas autre chose, assurément. — Chaque objet est donc beau seulement pour l’usage auquel il doit servir ? — C’est tout à fait cela. — Mais un objet beau peut-il l’être encore sous un autre rapport que celui de l’usage qu’on en peut faire ? — Nullement. — Une chose utile est donc belle pour celui auquel elle est utile ? — C’est mon avis.

— Le courage, Euthydème, le places-tu parmi les belles choses ? — C’est la plus belle de toutes, à mon sens. — Tu penses donc que le courage n’est pas utile pour les très-petites choses ? — Non, par Jupiter ! mais je le crois utile pour les très-grandes. — Crois-tu que, lorsqu’on est en présence de dangers terribles, ce soit un avantage de ne pas les connaître ? — Pas le moins du monde. — Ainsi ceux qui n’ont pas peur en pareille occurrence, parce qu’ils ne savent pas ce qu’il en est, ne sont pas des hommes courageux ? — Non, par Jupiter ! car, à ce compte, il faudrait ranger parmi les hommes de cœur bon nombre de fous et de lâches. — Que diras-tu donc alors de ceux qui ont peur même de ce qui n’a rien de terrible ? — Qu’ils sont encore au-dessous, ma foi ! — Appelles-tu donc courageux ceux qui n’ont pas peur dans les dangers imminents, et lâches ceux qui ont peur ? — C’est cela même. — Appelles-tu courageux d’autres gens que ceux qui savent bien se montrer dans les dangers ? — Pas d’autres. — Et lâches