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ne peut franchir sans nous laisser périr de froid, il se tourne de nouveau vers nous, se rapproche et regagne la partie du ciel où il peut nous rendre le plus de services[1]. — Par Jupiter, il semble bien que tout cela n’arrive qu’en faveur de l’homme. — En outre, comme il est certain que nous ne pourrions supporter ni le chaud ni le froid, s’ils arrivaient inopinément, le soleil ne s’approche-t-il pas peu à peu, et n’est-ce point peu à peu qu’il s’éloigne, de sorte que, sans nous en apercevoir, nous arrivons aux températures extrêmes ? — J’en suis à me demander, dit Euthydème, si l’unique occupation des dieux ne serait pas de veiller sur l’homme ; mais une chose m’arrête, c’est que tous les animaux ont part à leurs faveurs. — Eh quoi ! repartit Socrate, n’est-il pas évident que ces animaux mêmes naissent et sont nourris pour l’homme ? Quel autre animal retire des chèvres, des brebis, des chevaux, des bœufs, des ânes et des autres êtres, autant d’avantages que l’homme ? car il me semble qu’ils sont plus utiles que les végétaux : l’homme ne se nourrit, ne s’enrichit pas moins des uns que des autres ; plusieurs races d’hommes ne se nourrissent pas des productions de la terre, mais du lait, du fromage, de la chair que leur fournissent les troupeaux ; tous apprivoisent et domptent les animaux utiles, et ils trouvent en eux des auxiliaires pour la guerre et pour beaucoup de leurs travaux. — J’en conviens avec toi ; car je vois que les animaux même qui sont de beaucoup plus forts que nous se soumettent cependant aux hommes, qui les font servir à ce qu’il leur plaît. — De plus, comme les choses belles et utiles diffèrent cependant les unes des autres, les dieux n’ont-ils pas donné aux hommes des sens appropriés aux différentes perceptions, et au moyen desquels nous jouissons de tous les biens ? N’ont-ils pas mis en nous l’intelligence, qui nous permet d’apprécier nos sensations à l’aide du raisonnement et de la mémoire, de juger de l’utilité de chaque objet, de nous ingénier de mille moyens soit pour jouir des biens, soit pour nous garantir des maux ? Ne nous ont-ils pas fait don de la parole, à l’aide de laquelle nous nous faisons part de tous les biens par une instruction réciproque

  1. La description de ces mouvements prouve que déjà, du temps de Xénophon, l’astronomie était arrivée à un très-haut degré de justesse et de rigueur dans l’observation. La partie du ciel où, selon l’expression de Xénophon, le soleil peut nous rendre le plus de services, est la portion de l’écliptique située en deçà de l’équateur, celle qu’il décrit de l’équinoxe de printemps à l’équinoxe d’automne.