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Euthydème sur cela se retira tout découragé, plein de mépris pour lui-même et ne s’estimant pas au-dessus d’un esclave. La plupart de ceux que Socrate avait réduits là ne s’approchaient pas de lui, et celui-ci ne les en estimait que plus insensés ; mais Euthydème sentit qu’il ne pouvait devenir un homme distingué qu’en fréquentant Socrate : aussi ne le quittait-il plus, à moins de nécessité ; il imitait même quelques-unes des habitudes de Socrate, qui, le voyant dans ces dispositions, cessa de le tourmenter, et lui donna les notions les plus simples et les plus claires des choses qu’il pensait nécessaire de savoir et honorable de pratiquer.


CHAPITRE III.


De la piété envers les dieux ; pourquoi ils méritent la reconnaissance des hommes et comment il faut les honorer.


Il ne se hâtait pas de rendre ses disciples habiles à parler, à agir, à inventer des expédients, mais il croyait qu’il fallait commencer par les amener à la sagesse ; sans la sagesse, en effet, il pensait que ceux qui ont ces talents n’en sont que plus injustes, plus puissants à mal faire. Et d’abord il essayait de donner à ceux qui le fréquentaient des idées sages au sujet des dieux[1]. D’autres ont déjà rapporté les conversations qu’il avait eues sur ce point en leur présence ; pour moi, j’assistai à l’entretien suivant qu’il eut avec Euthydème : « Dis-moi, Euthydème, t’est-il jamais arrivé de réfléchir avec quel soin les dieux procurent aux hommes ce dont ils ont besoin ? — Non, par Jupiter ! je n’y ai point songé. — Mais, du moins, tu sais qu’avant tout nous avons besoin de cette lumière que les dieux nous fournissent ? — Par Jupiter, si nous ne l’avions point, nous ressemblerions aux aveugles, avec nos yeux. — De plus, nous avons besoin de repos, et les dieux nous donnent la nuit, le plus doux des délassements. — C’est encore un présent digne de notre reconnaissance. — Eh bien, tandis que le soleil, grâce à sa lumière, nous rend distinctes toutes les heures du jour, ainsi que tous les autres objets, et que la nuit, au contraire, par son obscurité, ne nous laisse plus rien voir,

  1. Cf. le chapitre iv du livre Ier.