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pirent et que fort peu y arrivent : il est donc évident qu’il faut en politique une application plus grande et plus opiniâtre que partout ailleurs. » Tels étaient d’abord, en présence d’Euthydème, simple auditeur, les discours que tenait Socrate ; mais dès qu’il s’aperçut que le jeune homme restait plus volontiers quand il parlait, et l’écoutait avec plus de plaisir, il vint seul chez le fabricant de brides, et Euthydème s’étant assis près de lui : « Dis-moi, Euthydème, lui dit Socrate, est-ce bien réellement, comme je l’entends dire, que tu as assemblé un grand nombre d’ouvrages des hommes renommés pour leur sagesse ? — Oui, Socrate, par Jupiter, et je continuerai d’en rassembler, jusqu’à ce que j’en aie amassé le plus possible. — Par Junon ! je t’admire, dit Socrate, d’avoir préféré à des monceaux d’or et d’argent des trésors de sagesse : il est clair que dans ta pensée l’argent et l’or ne rendent pas les hommes meilleurs, tandis que les sentences des sages enrichis sent de vertus ceux qui les acquièrent, » Ces paroles faisaient plaisir à Euthydème, persuadé qu’aux yeux de Socrate il était dans le vrai chemin de la sagesse. Or, Socrate remarquant qu’il était sensible à cette louange : « En quoi donc, Euthydème, lui dit-il, veux-tu devenir habile, quand tu rassembles tous ces ouvrages ? » Et comme Euthydème gardait le silence et cherchait une réponse : « N’est-ce pas, continua Socrate, pour devenir un habile médecin ? car il y a de nombreux ouvrages écrits par des médecins[1]. — Non, par Jupiter. — Alors tu veux être architecte ? car il est besoin aussi pour cela d’un homme instruit. — Pas davantage. — Tu désires donc devenir bon géomètre, comme Théodore[2] ? — Géomètre, non plus. — C’est donc astrologue[3] que tu veux être ? » Euthydème ayant dit que non : « Eh bien, tu veux être rapsode ? car on dit que tu as tous les poëmes d’Homère. — Non, par Jupiter ; je n’ignore pas, en effet, que les rapsodes savent exactement les vers, mais n’en sont pas moins stupides. »

  1. Dès cette époque, il existait, en effet, un assez grand nombre d’ouvrages relatifs à la médecine, par exemple les traités médicaux d’Acron d’Agrigente, les nombreux ouvrages dus au grand Hippocrate, à son gendre Polybe et à ses deux fils Thessalus et Dracon, et ceux de Dioclès de Caryste, sans parler de quelques médecins d’un moindre mérite, et des anciens philosophes, tels qu’Alcméon, Empédocle, Démocrite, Héraclite, etc., qui avaient donné quelque place à la médecine dans leurs écrits.
  2. Théodore de Grèce, mathématicien distingué et maître de Platon.
  3. Les anciens n’avaient point établi d’une manière positive la distinction qui s’est faite plus tard entre les mots astrologue et astronome.