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s’occuper de tant de familles à la fois[1], pourquoi n’as-tu pas essayé d’abord d’en relever une, celle de ton oncle ? Elle en a besoin. Après en être venu à bout, tu aurais passé à un plus grand nombre ; mais si tu ne peux pas rendre service à un seul individu, comment pourras-tu être utile à tout un peuple ? C’est comme si un homme n’avait pas la force de soulever le poids d’un talent[2] ; n’est-il pas clair qu’il ne devrait pas essayer d’en soulever davantage ? — Ah ! certes, dit Glaucon, je serais bien utile à la famille de mon oncle, s’il voulait m’écouter ! — Ainsi, reprit Socrate, tu n’as pas pu persuader ton oncle, et tu voudrais te faire écouter de tous les Athéniens et de ton oncle avec eux ?

« Prends garde, Glaucon, en désirant la gloire, d’arriver à tout le contraire. Ne vois-tu pas comme il est dangereux de dire ou de faire ce qu’on ne sait pas ? Regarde parmi tous ceux de ta connaissance qui parlent et agissent sans savoir, s’ils te paraissent, pour cette raison, obtenir des éloges ou des reproches. Sont-ils admirés ou méprisés ? Regarde, au contraire, les hommes qui savent ce qu’ils disent, ce qu’ils font, et tu verras, je crois, que, dans toutes les circonstances, ceux qui ravissent les suffrages et l’admiration sont précisément ceux qui savent, tandis que l’opprobre et le dédain sont le partage des ignorants. Aussi, puisque tu aimes la gloire » et que tu veux te faire admirer de la patrie, travaille à bien savoir ce que tu veux mettre en pratique : car, si tu parviens à l’emporter en cela sur les autres, et qu’alors tu prennes en main les affaires de l’État, je ne serai pas étonné que tu obtiennes très-facilement ce que tu désires. »

  1. Le nombre des individus, tant libres qu’esclaves, répandus dans Athènes et dans le Pirée, était d’environ 180 000.
  2. Le talent, poids, était de 26 kilogr. 178 gr.