Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



CHAPITRE V.


Il expose au fils de Périclès les causes de la décadence d’Athènes et les moyens de rendre aux Athéniens leur prospérité passée et leur ancienne vertu.


Il eut un jour avec Périclès[1], fils du grand Périclès, la conversation suivante : « Pour moi, dit Socrate, j’ai l’espoir, Périclès, que, si tu deviens stratége, la ville deviendra meilleure et plus glorieuse par les armes et triomphera de ses ennemis. » Alors Périclès : « Je souhaiterais, Socrate, ce que tu dis ; mais le moyen qu’il en arrive ainsi, je ne puis le savoir. — Veux-tu donc, dit Socrate, que nous examinions et que nous calculions en quoi dès à présent ce résultat est possible ? — Je le veux bien. — Tu n’ignores pas que le peuple d’Athènes n’est pas moins nombreux que celui de la Béotie ? — Je le sais. — Les meilleurs et les plus beaux corps de troupes, où crois-tu qu’on puisse les lever, chez les Béotiens ou chez les Athéniens ? — Je ne crois pas que nous restions en arrière sous ce rapport. — Lesquels crois-tu les plus unis par la concorde ? — Les Athéniens ; car bon nombre de Béotiens, opprimés par les Thébains, sont mal disposés envers eux, et à Athènes je ne vois rien de semblable. — Mais pourtant les Béotiens sont les plus ambitieux et les plus obligeants de tous les peuples, ce qui excite vivement les hommes à braver les périls pour la gloire et pour la patrie. — Sur ce point les Athéniens sont irréprochables. — Quant aux belles actions des ancêtres, il n’est pas de peuple qui puisse en compter de plus grandes et de plus nombreuses que les Athéniens : ce souvenir, chez la plupart d’entre eux, élève le cœur, entraîne à la vertu et développe le courage. — Tout ce que tu dis là est vrai, Socrate. Mais tu vois que depuis l’échec de nos mille hommes avec Tolmi-

  1. C’était un fils naturel du célèbre Périclès, et qui, par conséquent, n’était pas citoyen d’Athènes ; mais les deux fils légitimes de Périclès, Xanthippe et Paralus, étant morts de la peste, les Athéniens, touchés des malheurs de leur grand citoyen, inscrivirent par exception ce jeune homme sur la liste d’une tribu, en lui donnant le nom de son père. Le jeune Périclès fut un des généraux vainqueurs aux îles Arginuses, et condamné à mort pour n’avoir pas recueilli les cadavres des naufragés. Cf. Helléniq., I, vii.