LIVRE III
CHAPITRE PREMIER.
Comment ceux qui aspiraient aux dignités trouvaient en Socrate un guide utile vers le but auquel ils tendaient, c’est ce que je vais maintenant raconter. Ayant appris un jour qu’un nommé Dionysodore[1], arrivé à Athènes, s’annonçait comme professeur de stratégie, Socrate dit à l’un de ses disciples, qu’il savait jaloux d’obtenir les fonctions de général dans sa patrie : « Il serait honteux, n’est-ce pas ? jeune homme, pour quelqu’un qui veut devenir stratége[2] dans son pays, lorsqu’il se présente une occasion d’apprendre cet art, de la laisser échapper, et ce serait mériter d’être puni plus sévèrement encore qu’un homme qui entreprend de faire des statues sans avoir appris la statuaire. En effet, dans les dangers de la guerre, la cité tout entière s’abandonne au stratége ; il suit que de ses succès résultent de grands avantages, et de ses revers de grands maux. Comment donc ne serait-il pas juste de punir un homme qui, après avoir négligé d’apprendre à être général, mettrait tout en œuvre pour être élu[3] ? » Après ces conseils, Socrate engagea le jeune homme à aller étudier.
- ↑ Dionysodore, natif de Chio, était, ainsi que son frère Euthydème, un sophiste distingué. Après avoir professé en Italie, il vint se fixer à Athènes, où il donna des leçons théoriques d’art militaire, ou, pour parler avec Xénophon, de stratégie.
- ↑ Il y avait deux espèces de stratèges : 1° les généraux de division, commandant une stratégie ou phalangiarchie de 4090 hommes ; les généraux en chef, au nombre de dix, élus un par chaque tribu d’Athènes. Ces mots reviendront fort souvent dans Xénophon.
- ↑ C’est le reproche que Marius, dans Salluste, adresse aux nobles qui aspirent au commandement des armées : Nam gerere quam fieri tempore posterius, re atque usu prius est : car, si dans l’ordre du temps la pratique vient après l’élection, en réalité et de fait elle doit la précéder. Salluste, Jugurth., LXXXV.