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IV


Belle ! aimée ! ne rêvait-elle pas ? Enfin elle avait trouvé justice ! Et comme les idées se pressaient sans ordre dans sa tête, comme elle éprouvait un besoin insensé de se lever, de descendre, de se jeter dans les bras de ses parents, dans les bras de John Morris, elle se contraignit à réunir toute sa pensée sur le bonheur qui l’attendait. Ainsi avant trois mois elle serait mariée : elle aurait une maison à elle, une délicieuse maison dans Morningside, qu’elle aménagerait à son goût.

Elle songea qu’il lui faudrait quitter ses parents, sa sœur Nelly, qui avait été si bonne pour elle, et qu’elle avait si odieusement accusée ! De nouveau elle voulut descendre pour dire à Nelly combien elle l’aimait. La pauvre fille ! elle n’était pas jolie, avec ses mains trop grosses, son long cou et ses dents saillantes. Et si bonne ! Ils la prendraient avec eux, six mois de l’année : on finirait par lui découvrir un mari.

Elle se vit installée chez elle, en tête à tête avec John Morris. Toujours, toujours ensemble ! Mais pourquoi ne pouvait-elle s’imaginer avec plus de netteté ce contact incessant du jeune homme ? C’était une figure vague qu’elle apercevait à sa place, un homme plus grand et d’allure moins chétive. Ne l’aimait-elle