Page:Wyzewa - Un miracle, paru dans Le Figaro, 07, 08 et 09 mai 1890.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sordre, avec les cheveux très hauts sur le front et une natte dans le dos. Elle était descendue, ainsi coiffée, pour le dîner : on avait ri dès qu’elle était entrée, et elle avait dû aller s’asseoir d’un air tranquille, renfermant en elle ce nouveau supplice.

L’été précédent, ses parents l’avaient conduite dans une petite ville d’eaux badoise, à Badenweiler, et c’est là que le bonheur lui était réapparu, après tant d’années. Elle avait rencontré à la table d’hôte du Rœmerbad un jeune médecin de Munich qui lui avait plu, et qui tout de suite avait cherché à se lier avec elle. Ils avaient parlé de Florence, de Heine, de la musique de Mozart.

Tous les jours, ils s’étaient vus à table, souvent ils avaient fait ensemble des excursions dans les montagnes de la Forêt-Noire. Une fois, dans un voyage au Rhin, elle s’était trouvée seule avec lui, en avant de ses parents : et, comme elle était fatiguée, le jeune homme lui avait offert son bras. Jamais ils n’avaient parlé d’autre chose que d’art ou de nature ; Kate s’avouait même que plusieurs opinions de son ami étaient d’un pédantisme bien peu distingué. Pourtant