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compte-rendu élogieux de son livre dans les journaux. Elle saurait bien y mettre, dans ses romans, le trésor de passion et de mélancolie qui était en elle. Est-ce qu’il n’y avait pas de délicats jeunes hommes tout prêts à s’enthousiasmer devant un livre de génie, et à aimer une femme pour la hautaine pureté de son intelligence ?

Elle s’ingénia à trouver des sujets : mais elle n’en pouvait concevoir qu’un seul, sa lamentable histoire. Par instants elle apercevait une héroïne touchante et séduisante dans sa laideur : pourquoi donc elle-même n’était-elle pas ainsi ? Elle avait beau chercher à s’oublier : toujours c’était son malheur qui lui hantait l’esprit, la fatale injustice de sa destinée. Combien pourtant elle aurait offert de bonheur à celui qui aurait consenti à la prendre ! Car enfin elle était une jeune fille, elle se sentait pleine de vie et de santé, elle savait rire, être gaie et tendre : elle devinait des choses par où elle aurait conquis à jamais le cœur qui l’aurait choisie.