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un peu fermés, et comme voilés de larmes contenues, lui donnaient quelque chose d’une gracieuse mélancolie, qui ne pouvait manquer d’être compris un jour. Elle arrangea une boucle de ses cheveux qui s’était trop avancée sur le front. Sa toilette l’avait toujours beaucoup occupée, par un goût naturel qu’elle s’était refusée à quitter, comme si elle avait voulu être prête et d’avance ornée, lorsque viendrait le miracle. Aussi bien il était impossible qu’elle restât toute sa vie dans cette horrible misère ! Elle sentait que c’était une épreuve ! Elle avait vingt-deux ans, elle avait droit à une jeunesse !

Pour la première fois depuis le départ des promeneurs, elle songea nettement à sa sœur aînée Nelly, qui elle non plus n’était pas belle, avec son grand cou et ses mains trop larges. Comment se faisait-il que celle-là était sûre de la vie, que les jeunes gens lui causaient avec plaisir, qu’elle-même l’aimait, éprouvait