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NOS MAÎTRES

d’une langueur spéciale, gracieuse et vulgaire.

Dois-je ranger parmi les musiciens romantiques le compositeur Jacques Offenbach ? Celui-là, du moins, a créé une vie d’émotion spéciale. Son œuvre, close encore naguère à notre intelligence par une barrière de sottes admirations, est aujourd’hui, pour les rares érudits qui la considèrent, un très louable effort à restituer la passion collective de bruyantes âmes parisiennes. Entre les deux musiques, dont l’une exprime et analyse les émotions d’un individu, dont l’autre recrée les émotions collectives de masses humaines, Offenbach a constamment choisi la seconde : les personnages de ses opérettes n’ont point de nature propre ; les plates mélodies par eux débitées ne traduisent nullement des états d’àme personnels. Mais l’ensemble de son œuvre apparaît comme la curieuse traduction de ce que jouissaient et souffraient communément, dans la fiévreuse vie de Paris, les hommes de la génération précédente. La Belle Hélène, la Grande Duchesse, ce sont les quadrilles d’àmes grossières et vaines, comme tel final des symphonies de Mozart fut la valse d’âmes passionnées et naïves. Et je crois bien que j’admirerais Offenbach davantage encore si ce maître n’avait, après lui, donné le droit d’exister à d’extravagants compositeurs d’opérettes, incapables d’être expressifs tout autant que d’être spirituels.

La musique romantique, sous ses formes diverses, a séduit, comme elle le devait, les esprits peu complexes. Issue de la démocratie, elle est devenue la musique préférée de nos démocraties.