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L’ART WAGNÉRIEN


VII

Le romantisme, amené dans tous les arts par les mêmes causes, eut, dans tous les arts, les mêmes caractères. Il fut déterminé par l’avènement de la démocratie : les âmes furent modifiées : les choses apparurent sous un aspect plus sensible : le sentiment de leurs rapports s’atténua, grandit le sentiment de leurs formes externes. Dans le même temps, les émotions acquirent une intensité plus vive ; mais elles perdirent leurs nuances intimes. Ce fut un continuel contraste de passions très vives. Sous ces influences nouvelles, fut instituée la musique romantique. Les émotions par elle recréées sont toujours très violentes ; et ce sont des heurts soudains, le passage de la poignante angoisse aux ivresses exaltées. Nulle analyse de détails émotionnels : mais plutôt une tendance à tout exagérer. Puis, par la hantise des sensations chaudes, la musique fut amenée à vouloir sortir de sa destination : elle tachait maintenant à être une peinture, imitant les bruits naturels, les mouvements des corps, leurs couleurs.

Le vieux langage, si précis et si minutieux, des musiciens classiques, fut dangereusement compromis, vulgarisé, détourné de son but essentiel, pollué par les faciles et grossières passions où on l’asservit. Et cependant le romantisme eut un résultat précieux : il créa l’harmonie. Les musiciens antérieurs, et Beethoven lui-