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L’ART WAGNÉRIEN

ponse ! Maintenant l’âme ne cherchera plus dautres jeux : elle se jouera délicieusement de sa douleur. elle redira mille fois la divine réponse. Entendez revenir la demande : à peine elle paraît, un épanouissement de gaieté l’arrête : toujours la certitude tout à l’heure affirmée ! C’est donc l’insoucieuse marche de l’âme désormais guérie : à plaisir, elle peut être prolongée. Encore un lent soupir ? Au diable ces mensonges ! hourrah ! et sur un rythme à dessein vulgaire, c’est par une ritournelle de contredanse que se termine l’œuvre dernière de Beethoven.

Beethoven a tenu dans l’art un rôle très net. Musicien, il devait éprouver et traduire des émotions : il les a éprouvées toutes, toutes absolument, et il les a traduites avec une précision telle qu’aux amis de son œuvre surnaturelle chaque note est un mot ; un mot certes plus expressif, au point de vue émotionnel, que ne le sont au point de Tue notionnel les termes divers d’un langage verrai.

Ses prédécesseurs lui avaient donné la mélodie. La modifier ? Il ne le voulut point, jugeant toutes langues également capables de clarté et de beauté. Mais, suivant l’expression de Wagner, « il l’imprégna de la musique ». Il destina chaque rythme, chaque mouvement à une signification propre. Que l’on prenne, pour la commodité de l’exemple, une de ses romances pour chant. Ce ne sont point les mots traduits : à quoi bon ? Mais sous les mots, c’est le fond émotionnel de l’âme, celui seul que comportent ces mots.