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NOS MAÎTRES

gaietés. Et puis, il a donné au monde le chef-d’œuvre de la musique spirituelle, cette série de mélodies, La Flûte Enchantée, où les contrepoints de l’ouverture, les chansons de Papageno et de sa fiancée émeuvent délicieusement, comme les échos d’une élégante joie.

Ces deux artistes admirables, et maints autres, le mièvre Reichardt et le noble Benda, et le souriant professeur démenti, ces poètes maniérés et sincères dont les œuvres aujourd’hui nous reposent de nos démocratiques bruyances, ils disent les émotions de leur âge, dans la langue que leur ont faite les temps. Mais voici que s’approchait à la musique un homme si extraordinaire, que ses origines intellectuelles demeureront à jamais mystérieuses ; un extravagant prodige anéantissant les lois où nous nous complaisons sur rhérédité, l’adaptation aux milieux ; un compositeur dont l’influence sui’la musique ultérieure fut en vérité déplorable, mais qui rendit un peu supej’flues toutes musiques ultérieures ; un être qui, seul dans l’Art, a connu tout le domaine de l’Art ; un musicien dans l’âme duquel ont vécu, précises et réelles, toutes les émotions humaines, toutes absolument ; un Dieu donc, puisqu’il fut de tous les hommes le plus surnaturel : le claveciniste flamand Ludwig van Beethoven.