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L’ART WAGNÉRIEN

émotions qui furent recréées, dans le même langue, par les musiciens ultérieurs, modifiées seulement par les lois naturelles qui avaient modifié les âmes.

Dans la seconde moitié du xviiie siècle, les émotions n’avaient point cessé d’être naïves et simples : mais elles étaient devenues plus légères, plus fines, plus spirituelles. Les musiciens de ce temps, Emmanuel Bach et Haydn, firent une musique à peine moins simple et naïve, mais plus finement spirituelle que la musique de Bach. Et ils employèrent le même langage, mais également rendu plus spirituel, débarrassé encore de formules trop savantes qui ne convenaient point à la disposition renouvelée des esprits.

Les œuvres de Joseph Haydn sont le plus parfait poème de l’émotion élégante, coquette et naïve. Parfois déjà, dans les sonates pour le clavecin et les quatuors, quelques mesures d’un adagio très subtilement poignant : ailleurs un emportement fougueux de rythmes. Mais le caractère constant de ces œuvres est la sereine grâce ; des allégrettos brefs et légers, des menuets adorablement corrects : partout la délicate plaisanterie d’une âme ingénue.

Mozart fut moins parfait : contraint, par les exigences d’une vie misérable, à d’incessantes improvisations. Celui-là, cependant, éprouvait avec une intensité singulière les émotions profondes et polies de son pays et de son temps. Sous les modulations trop prolongées, sous les recherches rapides de complications harmoniques, il a souvent chanté une douleur pathétique, ou de languides