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L’ART WAGNÉRIEN

cères de son âme. Cinq ou six grands sujets, il a employé toute son œuvre à les recréer : une charmante gaieté enfantine, les élans de la simple piété, quelques rêveries douloureuses.

Pour rendre ces émotions, il a choisi des thèmes mélodiques clairs et brefs, tantôt reprenant un motif populaire, imaginant tantôt, lui-même, des motifs pareils. Et il a, sur ces thèmes, fondé une harmonie spéciale, rappelant par un aspect tout extérieur les contrepoints précédents, pleine de hardies significations comme de trouvailles expressives. D’ailleurs fécond et varié dans ses ressources, et plus imprégné de musique que personne jamais ne le fut, avant lui ni après. Parfois il se jouait avec un motif, remployait à maintes gracieuses figures : ou bien il accumulait les modulations expressives, aggravant ainsi l’émotion du thème à chacun de ses retours. Et, dans la bonne inconscience de son génie novateur, il a donné à maints éléments de la musique des valeurs émotionnelles qu’elles ont, depuis, toujours conservées.

C’est dans la Passion suivant saint Mathieu, encadrant des récitatifs qui recréent, comme des mots, l’émotion religieuse, c’est le chœur initial et le chœur final : l’emportement raisonnable et sincère d’un peuple, l’hymne de la foi nouvelle nullement luxurieuse ou mystique ; une ferveur discrète, profonde, infinie.

Et voici la tranquille grâce d’une danse : dans une fugue[1] sautillent les mélodies ; c’est la danse

  1. Fugue en fa mineur, du second volume du Clavecin bien tempéré.