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NOS MAÎTRES

théoriciens et de raisonneurs, comprirent, mieux peut-être que ne l’a l’ait depuis aucun peuple, la nature véritable de l’art musical. Ils aperçurent que les divers genres et modes, par leur liaison aux émotions, avaient acquis la valeur, sans cesse plus précise, de signes, et constituaient un langage défmi. Ils pensèrent alors que ce langage devait être réglé ; et ils dressèrent avec une admirable rigueur le vocabulaire émotionnel de leurs signes musicaux. À chaque genre ils attribuèrent un caractère spécial : le diatonique fut assigné aux émotions graves et viriles ; le chromatique aux émotions plaisantes : l’enharmonique aux émotions très vives et rapides. Ils reconnurent ainsi une valeur spéciale aux divers modes : et par là ils eurent cette langue musicale précise, qui seule permet une expression précise des émotions. Chaque mélodie fut marquée d’un Ethos ou caractère propre, constitué par un rythme et un mode particuliers.

Aux Grecs encore la musique doit ses instruments. Homère cite la lyre, la flûte, la syrinx, la trompette militaire ; et chacun de ces instruments fut chargé d’une signification spéciale. Puis les grecs Ctesibius et Hiéron créèrent un instrument déjà plus complexe, l’Orgue, dont les médaillons contorniates nous montrent les naïves fuselures.

Saint Ambroise, après lui saint Grégoire, sont les derniers défenseurs de cette vénérable musique : ils instituent une précieuse mélodie expressive, le plain-chant, traduction simple et profonde des premières émotions religieuses.