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NOS MAÎTRES

s’ils sont directement entendus ; leur caractère propre de sons empêchera l’âme de les considérer comme de purs signes d’émotions. Une musique nouvelle deviendra nécessaire, écrite, non jouée, suggérant l’émotion sans l’intermédiaire de sons entendus, la suggérant ainsi meilleure et plus intime. La musique des mots, qui est la poésie, avait d’abord besoin, pour émouvoir, d’être dite : aujourd’hui nous la lisons : et ses sonorités nous procurent plus entièrement l’émotion sans l’intermédiaire de la voix.

Enfin la musique, de même que les autres arts, reçut des formes diverses à mesure que s’accrut le nombre des âmes différentes. Elle fut d’abord populaire, universelle, très simple et comprise par tout un peuple. Puis tels artistes créèrent des émotions qui devinrent incompréhensibles aux masses : toujours, tandis que la musique s’affmait, décroissait le nombre des esprits pouvant recréer ces émotions supérieures. Aujourd’hui la hiérarchie naturelle des esprits exige, dans les musiques, une hiérarchie pareille. Aux simples âmes incultes, la mélodie, la chanson ; à beaucoup la mélodie plus parfaite de Fopéra ; à quelques-unes les complexes langages des contrepoints, les nuances des accents et des timbres.


III

Sous ces lois générales, l’art des émotions s’est développé, depuis le jour où les âmes ressentirent d’abord le mode de l’émotion.