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NOS MAÎTRES

musiques se sont répandues au hasard. Nul d’eux ne nous a donné une symphonie véritable, où fût analysée et développée la marche d’une émotion dans une âme.

Le premier, M. Mallarmé a tenté une poésie savamment composée en vue de Témotion totale. Volontiers il a pris pour sujet l’émotion produite par la création et la contemplation de rêves philosophiques. Et il a cherché la forme idéale d’une poésie purement émotionnelle, mais indiquant la raison des émotions en même temps qu’elle les traduisait. Il nous a offert d’admirables musiques, liées entre elles et avec leur sujet par le mystère d’un nécessaire lien ; exigeant seulement des âmes délicates à qui il s’adressait ce qu’exige des jeunes pianistes le dernier de nos auteurs de polkas : la patience préalable d’une préparation, la résignation à ne point recréer d’emblée, mais bien après un légitime effort, les sereines et nobles émotions de son noble esprit.

M. Mallarmé a cru devoir encore conserver la forme fixe du poème ; à d’autres artistes cette forme apparut une entrave, et qu’ils tentèrent de rompre. Ils pensèrent que les rimes, la régularité des rythmes, étaient des procédés musicaux précis, ayant une signification émotionnelle spéciale ; que, dès lors, ces choses ne devaient plus être imposées d’avance aux poètes, ainsi que des cadres, mais employées suivant l’appel des complications émotionnelles qu’elles suggéraient. Ils rêvèrent une rénovation de la musique verbale comparable à la rénovation faite dans la musique