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NOS MAÎTRES

ces maîtres, ce fat la fin artistique du drame. Les tragédies du xviiie siècle, les comédies de Marivaux et de Beaumarchais, les mélodrames des romantiques allemands et français, et toutes les pièces scéniques de notre temps, sont bien davantage des romans que des drames : et seules les âmes inférieures éprouvent le besoin d’une réalisation matérielle de ces œuvres, toutes d’analyse ou de récit, pour y prendre le plaisir qu’on y peut trouver.

C’est que, au xviie siècle, dans les œuvres de Racine surtout, s’est constituée une forme littéraire nouvelle, la forme du roman : et l’histoire de l’art littéraire, depuis ce temps, se réduit à l’histoire des modifications imposées au roman par ses maîtres divers.

Le promoteur véritable de la littérature moderne, le père intellectuel de nos âges, est le philosophe René Descartes. Jamais un homme n’a exercé dans son temps une influence aussi vive que l’a fait sur les pensées et les mœurs du {{s|xvii} cet écrivain peu bruyant. À des esprits préparés, sa doctrine fut le geste décisif : et la France et le monde n’ont pas entièrement cessé d’être, depuis lors, plus ou moins cartésiens.

Le principe fondamental de cette révolution fut la distinction de deux substances : dont l’une était l’âme, la pure raison, capable du vrai, belle et divine ; tandis que les sens relevaient de l’autre substance ; et d’eux venait toute erreur, les mauvaises imaginations qui aveuglent, les choses sensibles, viles et méprisables. De là, désormais, le culte de la raison et le mépris des sens. Et les per-