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L’ART WAGNÉRIEN

première forme de l’art fut la forme plastique, recréant les sensations. Mais bientôt celles-ci, souvent répétées, ont laissé dans l’âme une empreinte ; elles s’y sont liées au point que l’une d’elles évoque les autres. Elles se sont encore limitées : des groupes se sont formés, séparés, abstraits : la perception fréquente d’objets rouges a porté l’âme à imaginer un nouvel objet dont le rouge serait la qualité dominante. Ainsi sont nées les notions, groupes de sensations abstraits, généraux, fixés dans l’esprit par des noms. Et ce qu’on appelle la vie intérieure, la pensée, le jugement composé, le raisonnement : c’est un mode nouveau de la vie, issu logiquement de la sensation.

L’art recrée la vie par le moyen de signes, liés dans l’àme à d’autres idées, les y évoquant. Les signes de l’art plastique avaient été les sensations visuelles de certaines lignes ou couleurs ; la littérature, art des notions, eut pour signes les mots, sensations d’abord auditives, devenues ensuite visuelles à leur tour, sous l’usage de l’écriture.

Par les mots des langages, la littérature recréa les notions. Son développement subit les lois constantes de tout développement artistique, les mêmes qui régirent (depuis les premières sculptures des Égyptiens, et jusqu’aux dessins modernes) les progrès de l’art plastique. Voici les principales de ces lois :


1o C’est d’abord le passage constant d’un état plus simple, relativement homogène, à un état plus complexe d’hétérogénéité. Les notions, au début