Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée
30
NOS MAÎTRES

ture ; que les peintres, sans cesser d’être artistes, et en gardant à leur art la même destination théorique, pouvaient continuer Franz Hals ou Léonard de Vinci, reproduire exactement leurs visions, ou négliger toute réalité de vision afin de reproduire exactement leurs émotions. Je voudrais essayer, au sujet de la littérature, une entreprise pareille de conciliation. Ici les doctrines ne sont pas moins nombreuses, et ne semblent pas moins opposées. Il y a la poésie et le roman : il y a encore la poésie descriptive et la poésie musicale ; le roman naturaliste, le roman psychologique, le roman dit réaliste et la pure fantaisie. L’Art est-il seulement dans une de ces formes diverses, ou bien ne peut-on les reconnaître toutes pour légitimes, mais traduisant des aspects différents de la vie ? Une littérature wagnérienne, alliant toutes les doctrines d’apparences contraires, les ramenant à l’unité du principe esthétique wagnérien, serait-ce vraiment chimérique ?

I

L’Art, a dit Wagner, doit créer la Vie : non point la vie des sens ou la vie de l’esprit, ou la vie du cœur, mais l’entière vie humaine, qui est tout cela. L’art doit encore être réaliste : la vie qu’il créera sera faite des éléments qui constituent la vie appelée réelle, parce que l’on ne peut recréer, dans la vie supérieure et joyeuse de l’art, que les modes déjà vécus dans cette réalité inférieure.

Le premier aspect de la vie est la sensation : la