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L’ART WAGNÉRIEN

ser un art, lorsqu’il aime l’autre ; condamner absolument les œuvres d’une école, lorsqu’il appartient à une autre. On aurait mauvaise grâce — et les railleries ne manqueraient point, — si l’on partageait entre l’idéalisme et le réalisme une admiration artistique. Le monde des théories, tout de même que celui des faits, se montre à nous désormais comme un magasin de produits différents, contraires, inconciliables. Apprécier la doctrine de l’évolution, est-ce possible à qui admet Fichte ? Ou tenir le roman pour un art, à qui admet l’art des peintres ?

La nécessité d’un choix exclusif simpose à nos âmes modernes. Je sais des littérateurs qui nient la poésie, parce qu’ils sont naturalistes. Et le moyen vraiment qu’il y ait de l’art ailleurs, si l’art est ici ? Richard Wagner a eu la gloire de se refuser à un pareil choix : nous le vénérons, surtout, parce qu’il a compris l’intime parenté des formes artistiques, et parce qu’il a tenté de la restituer. Il a vu que les peintres et les littérateurs, et les musiciens, exerçaient, avec un droit égal, les modes divers d’une tâche commune. Désormais, et par lui, l’Art n’est plus dans la peinture, ni dans la littérature, ni dans la musique, mais dans l’union de ces genres et dans la vie totale qui en naît.

J’ai voulu montrer naguère que l’œuvre précieuse de Wagner pouvait être poursuivie : que le Maître, après avoir tenté de concilier les trois grandes formes artistiques, nous avait encore laissé un principe large et sûr, par lequel nous pouvions concilier les deux tendances opposées de la pein-