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NOS MAÎTRES

lements éperdus d’un bonheur qui angoisse, elles sommeils tranquilles après la tourmente.

Mais on raconte que le jeune Hercule ne se montra pas fort ému de ces professions de foi ; il s’était assis au bord du chemin, et il s’écria, regardant les deux jeunes femmes, qui lui paraissaient maintenant plus séduisantes et plus jolies sous le soleil couchant : « Hélas ! je n’ai point appris les subtils symbolismes, à l’école d’où je viens. Seriez-vous donc de charmes si divers, la Vertu et la Joie ? Vertu et joie, n’est-ce donc point même chose ? Et si j’ai vertueusement occis, tout à l’heure, sur ma route, quelques méchants lions et un peu de brigands, était-ce par une autre raison que par le plaisir même d’exercer mes muscles ? Allez, vos formes sont trop belles pour vêtir des métaphysiques I Et puis je ne sais pas choisir : et pourquoi ? Mais plutôt je veux vous voir toujours l’une et l’autre, car toutes deux vous êtes gracieuses et touchantes, et j’aime les onduleuses musiques de vos voix. « On raconte qu’il les fit s’asseoir auprès de lui ; et longuement il leur murmurait de caressantes paroles, tandis que les baignait l’harmonieuse ténèbre d’une nuit royale.

L’histoire est fort ancienne, si elle est vraie. Depuis lors, en tout cas, nous avons pris d’autres mœurs ; et les temps ont bien exagéré la monogamie de nos opinions. La Vertu et la Joie ont été séparées : on a même payé des philosophes pour découvrir des ditférences entre elles. Et le désaccord ne s’est pas fait moindre sur tous les autres sujets. Aujourd’hui l’honnête homme doit mépri-