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LA RELIGION DE L’AMOUR ET DE LA BEAUTÉ

yeux, était d’être deux chaînes qui liaient l’homme à lui-même, et l’empêchaient ainsi d’être heureux. Car il croyait que la pauvreté consiste à ne plus posséder rien, pas même soi, et que le vrai honheur consiste à sortir de soi pour vivre en autrui. On a dit qu’il déconseillait le travail : il ne déconseillait que le travail qu’on fait pour soimême, l’accusant d’être la cause de notre attachement aux vaines apparences du monde ; mais il ordonnait à ses frères de travailler pour autrui. Lui-même était sculpteur, balayeur, chanteur ambulant : chacun de ses premiers compagnons eut ainsi un métier. Le devoir des Franciscains, d’après lui, était d’être gais ; et, pour atteindre à la gaieté, ils devaient oublier leur existence propre, se consacrer tout entiers au bonheur des hommes. Il voulait qu’après avoir prêché les pauvres on s’occupât de les nourrir ; il les prêchait et les nourrissait : et de là lui était venue sa gaieté enfantine, de là vient qu’aujourd’hui encore son nom résonne dans nos cœurs comme une chanson de printemps.


Telle était, brièvement résumée, la philosophie de saint François d’Assise. C’est avec de telles idées qu’il a essayé de rendre le bonheur aux hommes. Mais il vivait encore que déjà les hommes avaient cessé de l’entendre ; et, de nouveau, pendant six cents ans, la pauvreté, sa divine amante, resta veuve, désolée et obscure, aucun