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L’ART WAGNÉRIEN

sensations. Il leur a suffi, pour cette fin, de faire renaître les sensations visuelles.

Ainsi l’art des sensations a, dès le début, été l’art plastique de la vue.

Je ne puis même, ici, ébaucher l’histoire de cet art plastique, montrer comment toujours il fut réaliste, et quelles diverses formes il a prises, sous rinfluence des diverses façons de sentir et de voir.

Il fut dabord la première sculpture polvchrome des Égyptiens, puis la sculpture monochrome, ou plutôt achrome, des Grecs, non moins soucieuse, en ses divins chefs-d’œuvre, de la sincérité et de la vie.

Et naquit la sculpture du moyen âge, cette statuaire incomparable des bâtisses romanes et gothiques, traduisant avec une loyale exactitude la vision d’âmes naïves et pieuses. Mais ensuite, malgré les charmants travaux des maîtres florentins et français, et toute cette Renaissance où faillirent un moment renaître les dispositions intellectuelles des anciens, ce fut la fin de la grande sculpture. Pourquoi ? Parce que la vue devenait de plus en plus le sens spécial de l’art plastique, et son instrument les lumières : mais surtout parce que l’art, à mesure que les esprits s’affinent, exige sans cesse davantage des procédés ditférents de ceux qu’emploie la réalité pour suggérer la même vie. Une statue polychrome, ainsi, ressemble trop par sa matière aux modèles qu’elle a reproduits. Dès lors nous ne pouvons la recréer vivante : nous songeons involontairement que, si