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LA SCIENCE

douce princesse plus belle que les mûres. À peine Chalek fut-il parti que Marysia fut envahie de son souvenir. Elle signifia durement son congé au prince Tchernowied, qui depuis longtemps lui faisait la cour : et jour et nuit elle pleurait, dans sa haute tourelle, dédiant au jeune berger ses aimables larmes toutes parfumées.

C’est à quoi, vous le devinez bien, le prince Tchernowied ne trouvait guère son compte. Rentré dans ses noires bibliothèques, ce prince, qui était en même temps quelque chose comme un nécromant. se mit en devoir d’attirer vers lui, par la seule force de son vouloir et de quelques paroles magiques, — l’obligeant soudain à quitter sa haute tourelle, dans une nuit dorage, — celle qui là-bas se lamentait d’un impossible amour. Et la pauvre Marysia dut courir vers la lointaine retraite du prince Tchernowied. Elle était désormais sous le pouvoir absolu de celui qu’elle avait détesté. Et bientôt elle se vit enfermée dans un cachot, menacée de-mort si elle ne cédait à l’amour de ce méchant prince.

Alors son triste petit cœur invoqua le secours de sa mère défunte, qui avait été une très sage et excellente personne, ménagère incomparable, et toujours accueillante aux larrons vagabonds. Marysia appela sa mère : et sa mère lui apparut, dans un nuage bleu pâle, comme c’est l’usage des apparitions. Puis, elle s’effaça, mais ce fut pour apparaître aussitôt devant le berger Chalek, qui gardait son troupeau sur les bords du Volga. La défunte reine lui apprit les malheurs immérités de sa fille,