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QUESTIONS D’ESTHÉTIQUE LITTÉRAIRE

la douce, sage et fine petite bourgeoise de Francfort, que m’avait fait aimer Mme Arvède Barine. Les faits, pourtant, sont les mêmes, et pris aux mêmes sources. Mais seule Mme Barine a su les animer, les éclairer du dedans, comme il convient pour que nous les voyions avec leur vraie signification. Seule elle nous a montré dans la mère de Goethe une personne vivante. Et je serais tenté de dire qu’elle l’a fait, par places, aux dépens de la vérité, s’il y avait en de telles matières une vérité possible ; mais elle l’a fait avec tant de relief et tant de naturel, que nous ne pouvons plus désormais nous figurer d’une autre façon la petite conseillère du Fossé-aux-Cerfs. Ce n’est pas qu’elle y ait mis plus d’invention ni plus de recherche qu’il n’était nécessaire. Elle s’est contentée de dégager, du détail des faits, une image d’ensemble, et de s’en servir ensuite pour relier les uns aux autres ceux des faits qu’elle nous a transmis. Sous prétexte de résumer pour nous des recueils de documents, elle nous a donné un de ces portraits de femmes qui sont toujours assurés de nous émouvoir, à la condition que les traits en soient nets et dessinés simplement.

Elle nous a donné, du même coup, dans son étude, deux ou trois portraits d’hommes, ceux du père, du mari, du fils de Mme Gœthe : et je lui sais gré, en particulier, d’avoir parlé de ce dernier avec une si libre franchise. Le fils de Mme Gœthe est encore un des hommes sur lesquels mon opinion s’est beaucoup modifiée, au cours des années. J’ai cru très longtemps que c’était un faux grand