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NOS MAÎTRES

près ces ouvrages dont Mme Barine s’était inspirée. J’ai lu, par exemple, l’Autobiographie de Salomon Maïmon, qui lui a servi à nous raconter les aventures et à nous dépeindre le caractère de cet étrange métaphysicien. Ce sont en effet les mêmes événements ; Mme Barine, à ce point de vue, n’a rien ajouté de nouveau. Mais de ce qui était un fatras informe, elle a fait une œuvre vivante ; et je suis sûr que les soixante petites pages de son récit nous renseignent davantage sur îa vie et Tàme de Salomon Maïmon, que tout ce que les scoliastes allemands ont amassé d’in-octavos sur le même sujet. Il a suffi à Mme Barine de revivre pour son compte la vie de son personnage : aux faits elle a donné un sens, et les sentiments tels qu’elle nous les montre ne manquent pas à nous émouvoir, parce qu’avant de nous les montrer elle a pris la peine de les ressentir.

Mais le cas est plus frappant encore pour l’étude sur la mère de Gœthe. Depuis que Mme Barine a publié pour la première fois cette étude, divers documents nouveaux ont été publiés en Allemagne, des lettres de Mme Gœthe, des souvenirs se rattachant à elle. Et avec le secours de toutes ces pièces supplémentaires, qui avaient manqué à Mme Barine, un écrivain anglais, M. Schütz Wilson, a écrit sur Mme Goethe un long et consciencieux travail, que vient de publier la Nineteenth Century. J’ai lu l’article de M. Schütz Wilson, j’ai relu l’ouvrage de M. Heinemann sur la Mère de Gœthe ; et j’ai eu l’impression que la femme dont me parlaient ces savantes compilations n’avait rien de commun avec