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II
LA PHILOSOPHIE DE M. FRANCE
(Revue bleue, 8 décembre 1894)

Dans le dernier chapitre, l’un des plus importants et pour moi infiniment cher, de son délicieux Jardin d’Épicure, M. Anatole France raconte comment, un certain jour, il fit visite à son ami Jean. Ce sage habite depuis dix ans les ruines d’un vieux prieuré, où il goûte les joies parfaites du repos et de l’ignorance, dans la seule compagnie de sa pipe, de son chien, de quelques lapins familiers, et d’une belle servante aux joues rouges, avec des yeux d’un bleu pâle. C’est là qu’il reçut M. France ; et, l’ayant fait asseoir sur un banc du verger, entre des pruniers couverts de mousse, il lui dit :

« Bien que je ne lise jamais, mon ignorance n’est pas si bien gardée qu’il ne me soit parvenu dans mon ermitage que vous avez naguère contredit, à la deuxième page d’un journal, un prophète assez ami de l’humanité pour enseigner que la science et l’intelligence sont la source et la fontaine, le puits et la citerne, de tous les maux dont souffrent les hommes. Sages préceptes, qu’il eut