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I
LE LYS ROUGE
(Revue bleue, Ier septembre 1894)

J’admire et j’aime M. France dans tout ce qu’il dit ; chacune de ses phrases me ravit d’un plaisir parfait ; et si même, par impossible, il en venait à écrire un mauvais roman, je serais tout à fait hors d’état de m’en apercevoir.

Et la chose ne date point d’hier. Dès les premières pages que j’ai lues de lui, je me le suis choisi pour maître : attiré vers lui par un enchantement mystérieux et subtil, sans que je puisse dire laquelle de ses qualités me l’a tout de suite rendu si profondément cher, la pure musique de ses phrases ou la grâce légère de ses pensées, ou le mélange singulier et doux de son ironie avec sa tendresse. Mais plutôt je me le suis choisi pour ami, et non point pour maître. Les maîtres qui ont agi sur moi, les Renan et les Taine, ceux qui ont pris malgré moi possession de mon esprit, je les ai toujours un peu détestés en les admirant. Et toujours au contraire j’ai aimé M. France. Avec Dickens et Michelet il a été pour moi le sur consolateur, le distributeur