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RENAN ET TAINE

(le commentaires. Un parti tout entier, un vrai petit monde revit devant eux, le monde des libéraux de province anglais, aux premières années de notre siècle. C’est un monde médiocre ; nous en préférerions de moins satisfaits, de moins prospères et de plus généreux ; mais enfin nous l’avons, dans l’ensemble et dans le détail ; et c’est toujours un coin d’humanité que M. Chevrillon vient de ranimer, d’éclairer pour nous.

Il l’a fait en suivant jusque dans ses moindres procédés la méthode de M. Taine, qui était d’ailleurs, certainement, une méthode excellente. Mais c’était, comme je l’ai dit, une méthode si rigoureusement combinée que tout s’y tenait ensemble : de sorte que M. Chevrillon, pour la reprendre, a dû reprendre aussi les idées et la manière d’écrire de son illustre parent.

Et j’en suis enchanté pour ce qui est du style, car je ne crois pas que l’on puisse jamais fabriquer un plus beau style que le style de M. Taine. Il l’avait fabriqué avec un soin, une patience, une intelligence incomparables, prenant à chacun des grands écrivains de notre langue, à Michelet, à Flaubert, à Victor Hugo, celles de leurs habitudes qu’il avait senties les meilleures ; tout comme il avait pris à Stendhal et à Claude Bernard, sans compter Carlyle et les positivistes anglais, mille coutumes de penser et de raisonner dont il avait fait ensuite un prestigieux ensemble. M. Chevrillon a eu moins de peine, pour reprendre le même style ; mais l’essentiel est qu’il l’ait repris, et dès maintenant il en use avec une maîtrise admirable.