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II
M. TAINE ET NAPOLÉON
À PROPOS DU PRÊTRE DE NÉMI
(Revue bleue, 2 décembre 1893)

Il reste encore à Paris deux ou trois de ces antiquaires suivant la mode d’autrefois, qui aiment sincèrement les vieilles choses dont ils font commerce. Dans leurs sombres boutiques, que la clientèle délaisse d’année en année, ils vivent, craignant Dieu et ignorant le monde ; heureux s’ils ont vendu un meuble, car ils pourront ainsi en racheter un plus beau ; heureux s’ils ne l’ont point vendu, car ils eussent souffert à s’en séparer. Ils gardent pieusement les traditions de l’ancien goût français : un peu pareils, hélas ! à cette paysanne centenaire du comté de Cornouailles qui seule avait gardé le vieux dialecte celtique de son pays, tandis que personne autour d’elle, depuis trente ans, ne comprenait plus que Tanglais ! Du moins, à défaut de clients, ils ont près d’eux pour les consoler d’aimables et sûrs compagnons : les bahuts tout rongés des vers, les grands bureaux dévernis, les fauteuils aux fonds de tapisserie à demi effacés, les gravures en couleur, souriantes et légères