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RENAN ET TAINE

au bonheur de tous. L’inégalité des hommes, qui est indestructible et utile à tous, sera ainsi consolidée, au plus grand profit des hommes. Et, par la différenciation croissante des organes et des fonctions, la souffrance disparaîtra. La lutte pour l’existence se terminera par une paix dernière, le nombre des hommes étant limité, et chacun ayant un besoin unique, spécial, dont la satisfaction lui sera donnée sans privation pour les autres.

Telle est, en ses points essentiels, la politique de M. Renan. Elle résulte logiquement de toute réflexion scientifique. Inégalité des hommes, inégalité des besoins, séparation radicale des classes ; création d’une hiérarchie déterminée et inviolable, où chacun jouera le rôle qu’il peut jouer et fera le bonheur de tous, par la recherche seulement de son bonheur individuel ; division complète des fonctions ; adaptation artificielle à ces fonctions des organes et des désirs ; création, au sommet, d’une caste de sages, purs cerveaux, — dont le besoin spécial et unique, ajouterait Platon, sera la Vertu, c’est-à-dire l’orgueil d’être les plus réels, le désir d’accroître cette réalité en donnant au monde, qu’ils sauront leur rêve, l’unité heureuse.

À dire vrai. Platon, s’il connaissait aujourd’hui cette belle théorie de M. Renan, y apporterait encore d’autres additions. Il rendrait impossibles les variations de l’hérédité, en fondant une science chimique et physiologique des mariages ; et, parfois, en supprimant le rôle de la femme dans la formation des êtres nouveaux. Il maintiendrait les besoins nécessaires, dans les diverses castes, en