Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/185

Cette page n’a pas encore été corrigée
173
RENAN ET TAINE

siècle, les autres ont duré cent siècles, parce qu’elles avaient des conditions d’existence plus ou moins étroites. Les unes se sont brisées tout net ; les autres se sont modifiées. D’autres n’ont eu qu’une existence virtuelle, laquelle, faute de conditions avantageuses, n’a point passé à l’acte. L’univers est, de la sorte, une lutte immense où la victoire est à ce qui est possible, flexible, pondéré. L’organe fait le besoin, mais il est aussi le résultat du besoin. »

C’est, sous des mots différents, la physique universelle de Laplace, avec tous les développements qui lui furent donnés, durant notre siècle, par les écoles scientifiques. Au point de vue de la science positive, en eftet. M. Renan adopte entièrement cette doctrine de l’évolution. Il la double, en vérité, dune métaphysique toute spéciale ; mais de ses plus anciens écrits aux discours les plus récents, il admet toujours, comme un fond incontesté et nécessaire, le développement continu des espèces, la concurrence aveugle des formes.


La certitude scientifique de l’Évolution universelle implique, à ses deux limites, deux problèmes : le problème métaphysique de l’origine, de la cause. de la substance ; et le problème pratique des conséquences pour la vie prochaine de l’humanité. M. Renan a compris la nécessité de ces deux problèmes ; il a tenté, pour y répondre, une théorie métaphysique et une théorie politique.