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NOS MAÎTRES

qui n’étaient point modifiés ; et, lorsqu’il a vu ses volontés inutiles, il les a gardées cependant, par un désir de se dédier à l’Idéal, entre les contradictions des réalités.

Mais Antistius a reconnu la vanité, encore, de cet Idéal même, il a désespéré de l’œuvre tentée ; et il périt, assassiné par un prêtre ami des cultes antérieurs ; et ce prêtre, à son tour, périt. Périssent aussi Metius, et Cethegus, et Liberalis, et les citoyens de la démocratie Albaine, et la démocratie Albaine tout entière : et leur meurtrier est Romulus, qui fut, seulement, plus scélérat que les pires d’entre eux.

C’est le Prêtre de Némi, le nouveau drame de M. Renan. L’auteur est un érudit qui se targue de scepticisme ; et son œuvre a paru d’un scepticisme achevé. On y a vu la condamnation de toutes les réformes, et de toutes les choses qui ne sont pas réformées ; la démonstration du néant qui est sous les théories, les actes, les mots. Et, comme M. Renan déclarait, dans sa préface, que son drame prouvait le triomphe final du bien, on y a vu clairement son intention d’être pessimiste, de prouver le triomphe du mal.

Le Prêtre de Némi n’offre point, cependant, aux âmes naïves, cette signification nihiliste. Il montre l’erreur des démocrates, des aristocrates ambitieux, des réformateurs inintelligents qui rêvent un changement partiel, et le rêvent accompli doucement par l’exemple et la persuasion. Mais au-dessus de ces hommes, et de leurs vaines théories, on peut concevoir des hommes différents, des