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NOS MAÎTRES

romans en sept volumes, à jamais inachevés, des drames gigantesques où quelques scènes superbement tragiques sont comme noyées, pour les auditeurs, parmi le sentiment général d’une œuvre diffuse et disproportionnée.

Les admirables récits et drames de M. de Villiers ne vivent point pour nous en tant que drames et récits. La cause en est surtout dans ce caractère princier de son tempérament artistique. Il voit et conçoit le monde autrement ; et nous sommes impuissants à le recréer tel, avec lui, ce monde étant désormais effacé de nos visions ordinaires. À peine pouvons-nous restituer les peintures qu’il trace de personnages inférieurs et vulgaires : encore sa vision spéciale les charge-t-elle de ridicules que nous-mêmes, dans notre observation habituelle d’eux, ne leur reconnaissons point ; et nous y percevons une caricature, tandis que l’auteur a voulu traduire, sans les charger aucunement, ses constatations.

Tout cela parce que ces œuvres ne sont pas écrites pour nous, ne valent leur pleine valeur que pour l’âme princière qui les a créées. Et pourtant, celles mêmes qui paraissent le plus mal composées, et les plus anormales, gardent pour nous une étonnante saveur de réalité et de vie.

C’est d’abord que M. de Villiers, si les histoires oîi il assiste sont différentes de nos histoires, a d’elles une vision si nette et si entière qu’il parvient, malgré tout, à nous en communiquer un reilet. Puis, cette croyance incessante dans la réalité de ce qu’il raconte lui permet de noter mille