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VILLIERS DE L’ISLE-ADAM

qu’une caissière à remplacer ! — voici que l’épouse revient au foyer maudit. Elle a vainement espéré le salut : son àmea trop subi le poids des méchantes illusions bourgeoises ; elle a vu que, désormais, l’Eden des réalités meilleures lui serait fermé. Et c’est la fin du beau rêve trop beau : la femme du négociant revient à ses registres, condamnée à n’oublier jamais ce paradis entrevu, comme à n y jamais pénétrer[1].

L’ambitieuse et superbe Akëdysséril, souveraine des chatoyantes Indes, rentre triomphalement dans le royaume usurpé, parmi les clameurs joyeuses des nations. Elle a dû ordonner la mort d’un jeune couple royal, mais elle les a voulus mourant parmi les délices, dans un enlacement immortel. Elle apprend que le vieux prêtre, à qui fut confié le soin de leur mort, les a, durant des mois, tenus séparés : ils ont péri dans l’isolement, sans connaître les languides caresses consolantes. Et la hautaine victrice s’indigne, devant cette désobéissance. Alors le vieux mage tout-sachant lui explique la délice supérieure des jeunes amants évanouis. Ils sont morts avec l’incessante joie des espoirs, avec les illusions infmies, que toute réalisation eût brisées. Ils ont connu la joie suprême des désirs continus, et la mort leur a donné la seule réalisation complète et durable. À ce prix leur fut acquis l’éblouissement immortel du bonheur[2].

  1. Révolte.
  2. Akëdysséril.